Petites Graines n°6 en Allemagne : Une histoire d’œufs de Pâques et de poussins

 

 

Des poules, des moutons, des abeilles et toutes sortes d’insectes font partie du quotidien des enfants. Ces derniers découvrent naturellement le cycle de la vie et de la mort, observent et se posent plein de questions. Ils prennent conscience de leurs compétences à prendre soin de ces animaux et à dépasser des situations intimidantes.

Depuis quelques jours, nous entendons des échanges entre enfants comme celles-ci : « J’aimerais bien que nous ayons des poussins chez les Enfants-Racines ! » « Ah oui, moi aussi !! On en a déjà eu, mais toi, tu n’étais pas encore ici ! »

Ces envies perçues chez les enfants sont appelées par les éducateurs des « impulsions ». Elles sont recueillies comme de précieux signes de disponibilité d’esprit des enfants. Nous nous interrogeons en équipe pour savoir si nous serions prêts à accompagner un tel projet. Oui, car Danie, ma collègue, aura la possibilité de ramener les poussins grandissants (et de plus en plus odorants !) chez elle, dans sa ferme familiale.

Alors, lors du cercle du matin, groupe de parole ritualisé, nous abordons le sujet : « Nous avons entendu des enfants dire qu’ils aimeraient avoir des poussins ici, au jardin d’enfants. Est-ce que c’est toujours le cas ? »

« Y a-t-il d’autres enfants qui trouvent que c’est une bonne idée ? »

« Est-ce que les enfants qui trouvent que c’est une bonne idée souhaiteraient organiser une réunion d’enfants pour réfléchir à la façon dont il faut s’y prendre pour avoir des poussins ? »

Ainsi, peu de temps après, une dizaine d’enfants se réunissent avec Danie pour réfléchir à la question.

Les enfants veulent faire éclore des œufs et les plus âgés demandent à Danie d’apporter son appareil « pour faire chaud aux œufs comme une maman-poule ».

« Ok pour la couveuse, mais où prenons-nous les œufs ? »

Des enfants souhaitent couver des œufs de Pâques (nous étions quelques jours après Pâques), c’est à dire ceux qui sont jolis (mais soufflés). D’autres proposent de prendre ceux des deux poules du jardin d’enfants.

« Ok, est-ce que tout le monde est d’accord avec ces propositions ? » – « Oui ! »

Le lendemain, Louise, une fillette de cinq ans et demi, vient nous voir : « Il nous faut un coq !!! »

Alors une nouvelle réunion d’enfants décidera que Danie emmènera un coq de sa ferme pour quelques jours et que nous mettrons aussi les nouveaux œufs à couver.

Au final, les œufs de pâques, les œufs des poules sans coq, les œufs des poules avec coq seront marqués de croix de couleurs différentes pour bien les distinguer et tout sera mis dans la couveuse.

Trois poussins écloront mais un sera retrouvé mort dans la couveuse peu de temps après.

En observant les couleurs des croix, les enfants en déduisent que seuls les œufs « avec coq » ont évolué en poussins. Ils admettent aussi que, parfois, des poussins ne sont pas assez forts pour vivre. « C’est comme ça, personne n’y peut rien ! »

Pendant plus d’une semaine, les enfants, tour à tour, peuvent observer les poussins, leur donner à manger et les câliner. Vient enfin le moment important où ils peuvent aller prendre le grand air dans une cage sans sol. Les enfants les observent qui picorent les insectes et les plantes qu’ils trouvent sous leurs pattes.

Lors d’une promenade, le doute surgit : « Est-ce que quelqu’un a refermé la cage avant de partir ? Non ? Oh, oh !!! »

Au retour, les poussins ne sont plus dans leur cage. Les restes trouvés et l’agitation des corbeaux sur la place permettent de comprendre que les poussins ont servi de festin à ces oiseaux.

Certains enfants sont tristes, d’autres en colère. D’autres encore sont simplement intéressés, tels des scientifiques qui constatent un événement auquel ils ne s’attendaient pas. D’autres s’en vont simplement jouer.

Pendant une semaine, quelques enfants chasseront les corbeaux avec acharnement. Puis, plus rien !

Leurs réactions ne correspondent pas à l’intolérable drame auquel je m’attendais. Au final, c’est simplement une occasion de constater que la vie et la mort cohabitent dans la nature.

Un nouveau projet de couvade germe dans le groupe. Cette fois-ci, uniquement des œufs « avec coq » devront être couvés.

Naîtront, quelques semaines plus tard, une quinzaine de poussins qui seront les compagnons des enfants jusqu’à leur déménagement dans la ferme familiale de Danie, deux semaines plus tard.

Cette petite histoire du quotidien des enfants, est l’une parmi de nombreuses que j’ai vécu avec eux. Toutes illustrent à quel point les enfants apprennent de leurs propres envies, compétences et expériences bien plus que de notre envie d’adulte à transmettre du savoir précis. Pour nous, que nous soyons professionnel.le.s ou parents, il est bien souvent utile de se limiter à un rôle d’observateur et de facilitateur des impulsions d’enfants. Et cela non seulement pour des projets aussi ambitieux que de faire naître des poussins, mais également pour trouver le chemin de l’école ou de mettre la table.

« Chacun est le fruit d’une éducation mais le plus grand éducateur est la personne elle-même. »

Ludmilla Ouilitskaïa

…surtout si elle peut accéder à son savoir de par ses cinq sens et son esprit.

Merci de m’avoir lue jusqu’au bout et à bientôt pour d’autres Petites Graines.

En bonus à ce numéro de Petites Graines je vous partage un récent reportage sur France 2.

Il a été réalisé dans un jardin d’enfants en forêt dans un autre pays d’Europe … le Danemark et j’y retrouve l’esprit que j’ai connu avec les Enfants-Racines.

Pour le visionner je vous invite à activer le lien ci-dessous et d’aller directement à la minute 32.

Cliquez ici -> Reportage France 2