Petites graines n°4 : Pour que le jeu autonome redevienne un jeu d’enfant !!

Little curly girl blowing dandelion.
Little curly girl blowing dandelion in spring park.

Temps de lecture environ 5 minutes

Nolwenn m’a contactée avec une nouvelle question bien actuelle :

 

« Comment allier le désir perpétuel de jeu de ma fille de 3 ans 1/2 avec moi et mon désir de faire des choses pour moi ? Je souhaite lui faire comprendre « gentiment » que j’aimerais qu’elle puisse aussi jouer seule. »

J’imagine qu’en lisant cette question, beaucoup d’entre vous, vous sentez reconnus dans vos préoccupations !!

Alors que le rythme de vie des familles s’accélère sans cesse, les parents ont tendance à penser que c’est parce que les parents ne sont pas assez disponibles que leurs enfants réclament ainsi leur attention. Et les générations plus anciennes, vraiment navrées de voir les parents d’aujourd’hui « trop » à l’écoute de leurs enfants, pensent que le problème vient du fait que les enfants sont trop habitués à ce qu’on joue avec eux.

Les deux parties possèdent des pièces du puzzle mais il en manque encore quelques-unes pour réellement comprendre ce phénomène.

Il est vrai que, depuis que Françoise Dolto nous a appris que « le bébé est une personne », les parents se sont rendus, en quelque sorte, plus disponibles que jamais pour être à l’écoute de leurs enfants. Ils s’attachent non plus seulement à offrir de bonnes conditions d’hygiène à leurs petits bouts, mais aussi à veiller à leur bon développement psychologique et intellectuel.

Parallèlement, les autres domaines de vie, comme le travail ou la vie sociale, réclament également de plus en plus de disponibilité.

Un autre élément à ne pas négliger : le sentiment d’insécurité qui n’a cessé de grandir. Un accident, une maladie grave, une agression… c’est si vite arrivé !! La différence avec les époques passées, qui n’étaient pas moins dangereuses, c’est qu’aujourd’hui où « tout est possible », tout accident de vie est devenu intolérable.

Ce n’est plus une question de destin, mais c’est la faute de quelqu’un, c’est quelqu’un qui en est en cause.

Alors, les enfants sont bien plus surveillés qu’avant, ils perdent en autonomie et en espace de jeu.

Aujourd’hui, rares sont les enfants qui peuvent encore aller jouer dehors tous les jours, alors que les enfants de notre génération et de celles qui l’ont précédée ont pu le faire sans que cela inquiète leurs parents. Des bâtons, des pierres, de la terre, des feuilles, le petit cours d’eau d’à côté, tout était inspirant et accessible !

Et la société de consommation s’est allègrement saisie de cette volonté farouche de toujours mieux faire. Elle a proposé toujours plus d’objets pour « mieux » sécuriser, surveiller et stimuler les enfants.

Je dirais qu’elle a surtout réussi à convaincre les parents d’acheter toujours plus d’objets pour pallier leurs craintes grandissantes de ne pas être d’assez bons parents. Et l’environnement fait de même.

Alors, est-ce que les parents sont aujourd’hui « trop » à l’écoute des enfants ? Non !

Mais nous sommes trop à l’écoute des « difficultés à prévenir » et pas assez à l’écoute des compétences que possèdent nos enfants, sans que nous ayons quoi que ce soit à faire.

Et si nous utilisions les avancées de la société pour mieux vivre ensemble et non pas pour nous coller la pression ?

Pour que le jeu autonome soit effectivement un jeu d’enfant…

Nolwenn, ta fille n’est pas la seule à réclamer que tu joues avec elle et tu n’es pas la seule à avoir d’autres choses plus « importants » à faire que de jouer.

D’ailleurs, main sur le cœur, qui de nous est encore capable d’accéder au même bonheur à travers le jeu libre que pendant notre enfance ? Savons-nous encore prendre du plaisir quand il n’y a pas d’objectif à atteindre ?

Serait-ce dérangeant que les enfants soient les vrais experts du jeu d’enfant ?

Malheureusement, beaucoup d’enfants ont déjà « appris » que leurs jeux sont inutiles, dangereux ou ennuyeux !

Alors … quand nous leur proposons de jouer seuls, ils ne sont pas du tout convaincus que ce soit une bonne chose à faire !!

 

 

Alors, de quoi ont-ils besoin pour se sentir bien dans leurs jeux ?

La confiance en soi : « Mes propres idées sont riches et m’offrent de l’enthousiasme. »

Sécurité physique : « Je suis dans un environnement plutôt sécurisé, mais je sais aussi à quoi je dois faire attention. »

Sécurité affective : « Je peux jouer sereinement car je n’ai pas besoin que l’on s’occupe de moi maintenant. Je sais que quelqu’un en qui j’ai confiance (papa, maman, assistante maternelle,…) est là si j’ai besoin. Et cette personne m’envoie le message que tout va bien ! »

Un environnement agréable et du matériel qui permettent l’autonomie : « Le lieu dans laquelle je peux jouer est agréable pour moi. Je m’y sens bien. J’aime les jeux, ils m’inspirent et je peux m’en servir sans l’aide, ni l’inspiration de personne.

Quand il y a trop de jeux qui s’offrent à moi, je ne sais plus quoi faire, j’ai envie de tout et de rien à la fois. »

Être libre d’attentes : « Je suis libre de faire mes propres choix ! Je ne dois pas faire plaisir aux personnes autour de moi, ni répondre à leurs attentes ou rassurer leurs peurs. »

Ce point-là peut-être particulièrement difficile à atteindre de nos jours. Inspirons-nous alors de nos parents et de nos souvenirs d’enfance, car certains d’entre nous connaissent encore ce grand sentiment de liberté !

Si les enfants ne jouent pas seuls, c’est probablement parce qu’il y a un ou plusieurs points qui nécessitent un petit coup de pouce. Et parfois, quelques détails peuvent faire la différence !

 

Observer nos enfants quand ils jouent :

Les bienfaits du regard attentif et de la non-intervention

Pour permettre aux enfants de prendre peu à peu davantage de plaisir à jouer et vous permettre de savoir de quels coups de pouce ils ont réellement besoin, voici une inspiration qui me tient particulièrement à cœur :

Nolwenn, tu dis que jouer avec ta fille n’est pas ton truc. Ce n’est pas si grave, d’autant plus que cela diminue le risque « d’écraser » les idées de ta fille par les tiennes. Mais je te propose de lui offrir, quand tu le peux, de vrais moments de présence attentive.

Nous avons l’habitude de devoir être utile à tout moment. Alors pourquoi ne pas faire exactement le contraire de temps en temps : prendre le temps de « ne servir à rien » et simplement assister aux jeux de vos enfants sans intervenir.

De temps à autre, il peut être intéressant de mettre des mots sur ce qu’ils font : « Tu donnes à manger à ta poupée », « Tu essaies de fermer la boîte, ça a l’air difficile ! », « Tu mets les pièces des Kapla les unes sur les autres pour en faire une tour »… . Les enfants en profiteront peut-être pour en dire plus, ou alors ils seront simplement ravis d’avoir été compris dans ce qu’ils font, ou bien cela leur permettra de structurer leurs actions. Et parfois ces commentaires ne sont tout simplement pas utiles. Vous le sentirez avec le temps.

Tout cela peut manquer de naturel au début. Les enfants peuvent s’étonner et vous solliciter sans arrêt, voire se mettre en scène pour être sûrs qu’ils sont assez « intéressants » à vos yeux pour mériter cette attention.

Mais, peu à peu, ils percevront le message stimulant : « Ce que tu fais m’intéresse et a de la valeur. J’ai confiance en toi et en tes idées et j’ai confiance en l’espace que je t’offre ! »

Nolwenn, tu souhaites que ta fille joue seule pour pouvoir te libérer, le temps de faire ce qui est important pour toi. Je pense que ces temps de présence attentive renforceront sa confiance en elle, répondront à son besoin de sécurité affective et te permettront aussi de percevoir s’il y a besoin de réaménager un peu ses espaces de jeu pour qu’elle s’y sente bien, en confiance.

En revanche, ces temps d’observation ne doivent pas être sujets à négociation : « Je reste un peu avec toi, c’est pour qu’après tu joues toute seule. Tu promets de me laisser partir ? »

Ce sont juste des manifestations d’intérêt à ce que font les enfants, sans attentes, ni conditions !

Et quand tu veux t’occuper de ton côté, tu peux l’en informer tranquillement : « Maintenant, je vais dans le salon pour faire ce que j’ai à faire. Si tu as besoin de moi, tu peux me trouver là-bas. »

Tu verras si elle se sent capable de rester seule ou si elle a besoin de jouer près de toi. Plus elle deviendra capable de profiter de ses moments de jeux, plus ce sera enthousiasmant pour elle d’être autonome !

Alors, si nous arrêtions de culpabiliser de ne pas assez jouer avec nos enfants ? Et si, malgré l’obligation d’être toujours utiles que véhicule la société, nous trouvions en nous la disponibilité de nous intéresser, vraiment, à ce que font nos petits experts du jeu, qui parfois s’ignorent eux-mêmes ?

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J’espère que ce numéro de Petites Graines vous apporte de nouvelles inspirations et je suis vraiment curieuse de savoir s’il vous aura été utile. Alors, n’hésitez à partager avec moi vos témoignages : suite à sa lecture, qu’avez-vous testé et comment cela s’est-il passé ?

 

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Et la prochaine fois, je vous écrirai directement de la forêt d’Allemagne, où j’accompagnerai des enfants de 3 à 6 ans qui ne vont pas à l’école maternelle … 😉

Bien à vous

Simone Niessen

Accompagnatrice de la Petite Enfance