Pour ce premier numéro, j’ai décidé de réagir à la question qui m’a été posée par Diane, maman d’une petite fille de 5 ans 1/2 et d’un garçon de 15 mois.
Sa question est particulièrement intéressante, car elle fait écho à une situation qui met mal à l’aise beaucoup de parents :
Comment accompagner un enfant qui ne peut s’empêcher de mordre?
« Mon fils de 15 mois est en pleine découverte du monde. Il aime toucher, tâter, gratter, déchirer … et mordre !! C’est rarement avec une réelle intention de blesser, mais ça fait très mal. Comment l’amener à comprendre qu’il fait mal, et que même s’il a en envie de mordre, il faudrait qu’il se freine ? Comment développer son empathie plutôt que de le punir (ou autre solution à l’ancienne) ? »
Quinze mois, c’est l’âge de la période du « non » des parents, qui arrive bien avant celle des enfants ;-). Jusqu’à présent, ce petit bonhomme a tout fait pour apprendre à faire, et maintenant qu’il sait faire un tas de choses seul, il doit apprendre à ne plus en faire certaines, ou à faire autrement. C’est une période très fatigante pour les parents, mais aussi pour les enfants !!
C’est chouette que Diane ait repéré que son fils ne mord pas avec une intention de faire mal et qu’elle souhaite mettre l’accent sur le développement de son empathie.
Alors pour vous aider, les parents, à y voir plus clair, je vais d’abord expliquer pourquoi les jeunes enfants mordent. Puis je vais vous démontrer en quoi votre authenticité sera bien plus efficace que n’importe quelle méthode éducative.
Mais pourquoi mordent-ils ?
À 15 mois et au moins jusqu’à 3 ans, c’est tout à fait normal qu’il arrive aux enfants de mordre. Et cela sans qu’il y ait aucune mauvaise intention de leur part !!
- Ils explorent : À la naissance, la bouche est le seul organe de découverte qui soit développé. Les terminaisons nerveuses sont parfaitement reliées avec le cerveau et apportent des informations riches et fiables. Les enfants découvrent le monde avec leur bouche, bien plus qu’avec les yeux et les mains. À 15 mois, il se servent des mains, des yeux et de tout leur corps, mais la découverte par la bouche est toujours essentielle. Mordre est au final une technique d’exploration parmi d’autres.
- Ils veulent faire corps avec ce qu’ils aiment : Ils aiment mettre dans la bouche puis avaler la nourriture, qui sent bon et qui est d’une texture agréable pour eux. Au-delà du besoin de se nourrir, c’est une manière de posséder entièrement, de faire corps avec ce qu’ils aimen. Croquer ses parents ou simplement un autre enfant qui l’intrigue, est une manière de vivre sa passion pour l’autre. Un amour cannibale, en quelque sorte !
- Ils défendent leur territoire : Je n’ai pas l’impression que tu aies déjà découvert cette forme de morsure avec ton garçon, mais la morsure peut parfois être un moyen de défense : une main envahissante agrippe mon jeu, et croc !!
Les méthodes éducatives toutes faites ne marchent pas !
Certaines méthodes « à l’ancienne » ont la vie dure : le coin, mordre l’enfant pour qu’il voie ce que ça fait mais en lui faisant justement ce qu’il ne doit pas faire… Ces méthodes sont basées sur la volonté de l’adulte que l’enfant apprenne la leçon instantanément et Ad Vitam Æternam !! Mais c’est tout à fait utopique, car l’enfant a besoin d’expérimentation et de répétition pour apprendre réellement.
Les morsures cesseront quand les enfants comprennent réellement qu’elles provoquent du mal-être chez l’autre.
Les bébés sont naturellement empathiques…
Diane a raison de parler d’empathie. À savoir, qu’à la naissance, les bébés vivent en fusion avec leurs parents et sont réellement connectés à leurs émotions. L’empathie, dans sa forme la plus instinctive est innée !!
À 15 mois, les enfants sont déjà plus détachés du ressenti des adultes, mais l’empathie est naturellement encouragée si l’environnement se montre authentique.
… alors, soyez authentiques!!!
Être mordu, ça fait mal !! Et cela, même si notre adorable enfant ne l’a pas fait exprès.
Le piège, et nous sommes nombreux à y entrer, est que nous faisons barrage à notre expression naturelle : Je ne montre pas que j’ai mal, pour ne pas le culpabiliser. Or partager son ressenti et culpabiliser n’est pas la même chose !
Quand les jeunes enfants ressentent des messages ambivalents ils ne peuvent pas les comprendre. Alors ils ont tendance à répéter leurs gestes jusqu’à ce que le flou devienne compréhensif pour eux !
En tant que parents, c’est là qu’on s’inquiète : « Est-ce que notre enfant à un penchant développé pour la violence ? » Et d’un coup, nous passons d’une position « Ce n’est pas grave, tout va bien, mon chéri ! » à une position « Il faut l’empêcher de mordre à tout prix quitte à sortir l’artillerie lourde !! »
C’est alors que les actes à valeur éducative, puis les punitions pleuvent… et que les jeunes enfants n’y comprennent plus rien !
C’est normal, car il manque l’essentiel : la compréhension de l’enfant sur ce qu’il provoque chez celui qu’il mord !
Et concrètement :
Comment s’exprimer avec authenticité ?
1. Gardez le réflexe de vous protégez !!
Il m’arrive malheureusement bien souvent de rencontrer des parents qui par soucis éducatif, bloquent leur naturel. Mordus par leurs enfants, ils leur parlent patiemment jusqu’à ce que leurs bambins s’arrêtent tous seuls.
Mais quel message donnent-ils à leurs enfants ? « Ton éducation a pour moi plus de valeur que moi en tant que personne, alors je te laisse me faire mal. »
Et pourtant, dès qu’ils sont tout petits, nos enfants ont besoin que nous nous respections et que, par conséquent , nous soyons respectables dans leurs yeux !! C’est d’ailleurs très important, pour qu’eux-mêmes, puissent construire leur propre estime de soi.
Quand votre enfant vous mord, stoppez-le. Vous pouvez le faire doucement, mais fermement, surtout si vous n’attendez pas d’être en colère ou tout à fait désemparé.e !
2. Permettez-lui de lire votre ressenti sur votre visage et dites lui en toute simplicité ce que vous ressentez :
« Aïe ! Tu m’as mordu, ça me fait mal. » ou « Tu m’as mordu, j’ai été surpris.e ! » ou « Ça me rend triste ! »
Connectez-vous à votre ressenti et non pas à « ce qu’il faudrait faire ou dire dans cette situation ».
Et si cela vous mets en colère, dites-le !! Ce n’est pas un problème d’être en colère, mais de laisser sa colère faire du mal aux autres. En exprimant votre colère, sans faire du mal à personne, vous donnez un excellent exemple de gestion des émotions!!
3. À votre tour de l’observer et de mettre des mots sur ce qu’il exprime !
Montre-t-il de la compassion, de la surprise, une attitude de fuite ? Nommez-là ! « Ah oui, je vois ça t’embête que j’ai mal ! Veux-tu me faire un petit câlin ? », « Ah bais tu as l’air aussi surpris que moi. C’est ce que ta bouche a fait qui m’a fait sursauter comme ça ! » ou encore « Tu as l’air de vouloir partir très vite, tu n’as pas aimé me voir réagir comme ça !! Mais ne t’inquiètes pas, j’ai compris que tu n’as pas eu envie de me faire mal. »
15 mois c’est encore un peu jeune pour que vous puissiez l’encourager à une vraie réparation. Mais vous rien ne vaut un gros câlin pour repartir sur de bonnes bases!!
Et ensuite ? Faites-vous confiance ainsi qu’à votre enfant et laissez le temps faire le reste !!
Bien à vous,
Simone Niessen
Accompagnatrice de la Petite Enfance
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